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La Flamelosphère
13 avril 2009

Catrina's Ideal Writing Machine

La_Catrina


    Pardon d'être resté loin d'ici pendant longtemps.
    Je viens à peine en fait de revenir de loin.
    Du monde réel.

    J'ai vécu sous les ponts avec mes pensées, ces derniers temps. Elles avaient froid, nulle part où aller, nulle part où grandir. Elles ont faillit mourir, je crois. Mourir avec le froid du monde, avec le vent sec des autres et la misère de la réalité. Puis j'ai retrouvé la clé de cet endroit. Je l'avait oubliée, je l'avoue.
    C'est drôle de revenir là en tant que visiteur, et plus en tant que "auteur." J'ai poussé la porte, et elle grinçait comme une transylvanienne d'un film d'horreur des années 70. Quand je suis rentré, cela sentait le vieux livre. Celui dont les pages ont jaunies, sont devenues dures comme du carton, avec cette vieille typographie, cette vieille police d'écriture qui sent bon le vieux plomb d'imprimerie.
    J'ai épousseté quelques étagères remplies de vieux textes grinçant et pleins de souvenirs savoureux. Certains épicés comme du poivre, d'autres doux comme le sucre, beaucoup aussi d'horribles comme le sel.

    J'ai trouvé une petite bouteille sur ma table. Elle portait l'inscription "Bois moi" en miniatures abbatiales. Je l'ai fracassée par terre. Le liquide rouge brillant et suave s'est répandu sur tout le plancher, formant de honteux grumeaux avec la poussière de lune qui s'était accumulée sur les lattes de bois. La flaque vermillon exhalait un parfum de sucre, de raisin, de vanille. Le parfum de la facilité. Celui du déjà fait. Celui de la répétition.
    On ne me la fait pas, à moi. J'ai lu assez de conte pour savoir comment réagir lorsqu'une telle bouteille m'attend. Quand une bouteille nous propose à boire, il faut la jeter. Ce serait trop simple, sinon. Aurais-je grandis, aurais-je rapetissé, en la buvant? De toute façon, temporellement.

    Parce qu'à côté du vin, il y avait un peu de pain. Et il portait l'inscription "Mange moi" en glaçage blanc et brillant sur son dessus. Je l'ai senti : c'était une belle brioche vendéenne, pleine de sucre, mais si lourde lorsqu'on l'a finie. C'était sans doute la paresse, ce pain. Je l'ai jeté dans le vin, je l'ai piétiné. Le tout formait une jolie pâte rouge très pâle qui collait à mon pied. Comme du sang dans du lait caillé. Je pouvais voir tout le cannibalisme et toute l'horreur de ce qu'étaient ces deux aliments. Et j'en avais déjà assez ingurgité à ce jour.
    J'ai été pris d'une envie de vomir en sentant l'odeur de mort et de putréfaction qui s'élevait du gâteau rougeâtre encore informe. La nausée m'a serré la gorge, et en hoquetant, ce que j'en avais déjà mangé dans ma vie m'est revenu depuis ma mémoire. Et maintenant, je vomis tout cela.
    Cela brûle, ça irrite, ça acidifie la gorge, ça détruit tout, ça décape, ça ronge. La honte, c'est corrosif. Quand on fait toujours des choses facile en ne faisant rien, il est normal de ne pas supporter de tout sentir remonter.

    Au fond de mon chez moi, dans ce petit appartement plongé dans un crépuscule estival, d'un jaune maladif brillant, très orangé, il y avait mon bureau, avec une petite machine à écrire dessus. Pas un vieux modèle, une électrique. Toute blanche, mais la poussière l'avait pailletée de gris. De petits moutons se baladaient sur les plombs, des fourmis grouillaient entre les touches. Elle n'était pas branchée, apparemment, mais le temps que je me ramasse pour ramasser le bout de la prise, celle-ci était enfichée dans la prise murale, toute de noire vêtue.
    Les lettres se sont tapées toutes seules, la feuille était déjà insérée dans la machine. Ne restait qu'à attendre de lire ce qui s'écrivait.
    Quand la lettre est sortie de la machine, il n'y avait rien de vraisemblable. Des phrases déstructurées faites de mots inexistant, le tout écrit dans un langage incompréhensible avec un alphabet qui m'était totalement inconnu. Pourtant, le long texte était signé de mon nom. Je ne me comprenais pas, à vrai dire. Peut-être n'avais-je rien compris, et rien à comprendre. Pas de pourquoi, pas de comment. Pas de solution, pas de problème. Pas de réponse, pas de question. Je me restais caché à moi même, obscur pour moi même.
    J'étais heureux de l'action de cette machine. Je me parlais, donc? Peut-être... Le monde est rempli de peut-être. Pire qu'un "si", un peut-être comble réellement tout. Si je me parlais, je ne me comprenais pas. Fallait-il que je me traduise pour moi? Même pas, je savais pertinemment que cet amas de caractère n'avait aucun sens.

    J'avais perdu l'essentiel. L'Idée. J'avais cru que le texte n'était vivant qu'en tant que texte. Qu'il suffisait d'écrire pour écrire, qu'il suffisait de taper sur des touches, de dessiner des formes canoniques avec une pointe, pour écrire. J'avais mangé le pain et le vin, je m'étais rempli les yeux de sel. Evidemment que non, je n'écrivais pas. Plus, sans doute.
    J'avais oublié que ce n'était pas nous qui écrivions. Nous ne sommes que des réceptacles, plus ou moins performant. Je suis un modèle bas de gamme, il en existe de très haut. Mais je n'étais qu'un réceptacle au vrai auteur. A celui qui seul vraiment sait écrire. A l'Ultime Autobiographe qui n'a besoin ni de pacte ni de rien  de quoi que ce soit pour écrire et être vrai.
    Ma mémoire avait oublié de se rappeler que je n'étais que l'hôte de l'Idée. On écrit que l'idée, il n'y a que l'idée qui s'écrit. Le reste n'est pas une écriture. Le reste n'est même pas un dessin. Le reste, c'est une trace dans la poussière, un fossile de vent figé sans l'être dans du sable doux. Le reste n'est que de la pacotille, du va et vient, du vide. Il ne peut y avoir que l'Idée qui soit capable d'écrire. Et il n'y a qu'elle pour nous prendre comme réceptacle.

    Mais maintenant que j'y pense et que j'en ai l'idée, peut être l'Idéal n'est-il, comme moi, qu'un autre personnage d'une autre idée, qui, se relisant avec perplexité et confusion, espère qu'une idée viendra envahir son corps, rapidement, et en faire son alambic.

    L'Idée elle même peut-elle souffrir de la page blanche, de la mesure silencieuse?

    Craquage, Baptiste, gros craquage. Confus, Baptiste, très confus.

    Ecris, Baptiste, vite. Ecris.

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Commentaires
D
Hellow bonhomme !<br /> Ecris, oui, s'il te plaît, écris... parce que moi j'aime bien te lire !!! Parce tes textes sont pleins d'idées, parce que tes musiques sont riches de sons, parce que même si mon cerveau ne peut pas tout analyser, tout comprendre, je trouve tout ceci beau et emplis d'émotions... <br /> Alors j'ai envie de te pousser à écrire pour pouvoir continuer à t'écouter, à te lire !!!<br /> Merci de ce "vrac", de cette "confusion" de ce mélange, qui, je crois, n'est qu'une recette différente et complémentaire de ton recueil déjà impressionnant.<br /> A bientôt Baptiste,<br /> à bientôt.<br /> <br /> Maud.
G
Elles sont sympa tes chroniques!!!
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