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La Flamelosphère
18 janvier 2009

Un rêve.


Découvrez Depeche Mode!





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    J'étais assis, assistant au bord de la Cène.

 

  Du pain, pour le corps.
    Avoir mal. Mal au ventre, mal au coeur, s'écoeurer physiquement. Sentir la pointe des doigts qui chauffe, qui brûle, qui grésille, respirer son odeur de chair brûlée, de cendre en devenir, de poussière à la poussière; en savourer la lente disparition des traces de soit, de son identité; savoir que les spires fondent, que Phi y perd sa valeur, que les spirales deviennent des amas de chair alors ramollie, rougie, puis bientôt méconnaissable et anonyme. Y perdre son identité. Y prendre plaisir. Perdre son nom. Se perdre soit. Devenir fou. Laisser partir avec la fumée les bribes de l'histoire et n'en conserver que des souvenirs incertains bien que détaillés. Faire de la mémoire-mensonge un mensonge cru. Y croire, faute de mieux, et regarder les dix petits moignons s'agiter maintenant, frétillant comme des alevins sortis hors de l'eau. Savoir que le corps sait qu'une partie de lui ne respire plus, s'étouffe, s'enfumme et suffoque. Y prendre plaisir. Sentir ses pupilles se dilater sous la douleur, sentir le cerveau qui hurle à l'arrêt, sentir qu'on a mal, et avoir mal. Sentir ses cheveux et ses poils s'hérisser, que Dieu, si il est là, puisse plus facilement les compter. Sentir le corps entier trembler de désespoir devant la folie passagère qui emporte avec la poussière de peau l'identité et le Nom. Sentir la Loi du Nom qui se brise.
    Comprendre, inspirer, expirer.
    Oxygèner son petit cortex.
    Comprendre, inspirer, expirer.
    Avoir mal, et souffrir atrocement.
    Comprendre, inspirer, expirer.
    Se rendre compte que c'est de la folie, qu'il n'y a plus de retour.
    Comprendre, inspirer, expirer.
    Retirer ses doigts. Avoir mal. Sentir l'endorphine couler avec son sang.
    Sentir. Du pain pour le corps.

    Du vin pour le sang.
    Le sang afflue, le sang refflue. "Barat Mae, Barat Sekh". Il emporte avec lui toutes les essences de ma tête, tous les distillats de mes pensées. Il les diffuse, il les transporte. Il transpire de ces alcools, il s'enivre de ces liqueurs. Il les conduit vite, trop vite, trop violemment, trop fortement. Les vapeurs s'entrechoquent et me martèlent l'esprit. Le sang cogne fort dedans ma tête, et ne demande qu'à fuser en des milliards de geyser vermillons et écarlates. Le sang veut sortir. Il bouillonne de respirer. Il vout de rage et violace mon front, fait gonfler mes tempes, fait saillir mes veines. Il me met à fleur de peau, tel qu'une cheveux pourrait en couper la surface et faire exploser mon crâne tout entier s'il venait à me frôler. Mon sang hurle, mon sang crie, mon sang espoir, mon sang artifice, mon sang cause, mon sang moi.
    Mon sang elle.
    Mon sang ce que je suis.
    Mon sang veut voir dehors. Mon sans veut m'asperger comme si mes artères étaient des lances à incendie qu'il veut pointer dedans mes yeux. Il veut rougir mes pupilles, et si ce n'est la vie en rose, il veut me faire voir la vie en rouge. La vie en colère, la mort en rage. Il veut me rendre rouge de colère et de frustration, il veut m'éclabousser horriblement et faire de mon corps tout entier la Cène de tous les crimes. Mon sang veut m'asperger. Mon sang veut faire de moi une masse de chair sanguignolente, respirant l'alcool des principes sans gloire et des combats sans cause, puant l'odeur nauséabonde de la mort des rêves et de la naissance de la réalité, exhalant, nonchalant, les vapeurs d'encensoir de mes Idées, transpirant l'Essence des mots. Mon sang veut briser la Loi du Nom, et l'emporter avec lui comme une rivière emporte la digue.
    Comprendre, inspirer, expirer.
    Mon sang ne veut plus faire qu'un tour.
    Comprendre, inspirer, expirer.
    Mon sang tourne comme du lait.
    Comprendre, inspirer, expirer.
    Il tourne trop vite, trop fort, trop violemment.
    Comprendre, inspirer, expirer.
    Mon sang veut me montrer comme le vin de la vie est salé.
    Gouter. Du vin pour le sang.

    Du sel pour les pêchés.
    Ils forment des calculs qui obstruent mes oreilles et mes yeux. Ils s'agglutinnent et forme un mur blanc et laiteux qui font cataracte au vision que je reçois du monde. Ils se cristallisent et forme le bouchon qui perverti les sons à mes oreilles. Ils se rassemblent pour me meutrir les dents qui voudraient croquer la pomme de la pleinitude, celle qu'on m'a interdit, le fruit qui pousse sur l'arbre qu'on m'a interdit de toucher. Ils s'éparpillent sur le globe et fausse la texture que je touche avec mes mains. Ils forment une corolle sur mes narines et l'odeur d'iode, de chlore et de sodium prend le dessus sur tous les parfums qui hantent l'atmosphère que je respire. Le sel. Les pêchés. C'est ma bile, c'est ma salive qui s'évapore, c'est mon sang qui sèche et s'écaille comme la croûte de ma bétise, qui lui permet d'exister.
    Le sel est venu de ma colère contre mon incapacité à réaliser tout ce que je voudrais pourtant tellement. Le sel est venu de la frustration de ne pouvoir rien faire comme il le faut, de n'écrire que des mots imparfaits, de ne créer que des liens trop faibles, de ne dire que boue, de ne créer que du gris et jamais de coloré. Le sel est de ma colère.
    Le sel est né de la façon dont j'envie les autres. Le sel est né de cette bêtise que j'ai de ne considérer que les bons moments que peuvent passer les autres, et à chaque instant les envier pour le bonheur qu'eux mérite, tandis que goûtant la plainte, je ne fais rien pour mériter rien. Le sel est de mon envie.
    Le sel est créé par le désir charnel que je ne considère que trop. Le sel est créé par mon idiotie à ne m'arrêter parfois qu'aux corps et d'imprimer dans le sel devant mes yeux les images de ces jeune filles trop belles, trop ravissante, trop jolie, trop évocatrice, pour pouvoir m'appartenir. Le sel est né de l'absence de corps à mes côtés, de l'absence de fusion dans la chaleur moite, de l'absence de parfum de cheveux vanillés au réveil, de l'absence de sucre sur l'absence de peau à embrasser. Le sel est de ma luxure.
    Le sel est puisé dans mon anti-motivation. Le sel est puisé dans cette espèce d'amorphisme ventripotent qui régit mon caractère, et me pousse à toujours considérer l'effort comme absurde, au dessus de moi. Le sel est puisé dans la paresse que j'ai à réaliser les projets, peut-être justifiée à tort par mes lamentations vaines et sans raison aucune. Le sel est de ma paresse.
    Le sel est extrait de ma gourmandise. Le sel est extrait comme une huile de cette façon que j'ai de vouloir tout et encore plus à tout instant et encore plus. Le sel est extrait de cette noix immense et rasasiante, de cette mâne céleste que j'attend paresseusement sans savoir que si je la goûte, je meurt, et si je ne la dévore, je m'y perd, et si je la digère, je peut être au dessus de Dieu. Le sel est de ma gourmandise.
    Le sel est emprunté à mon avarice. Le sel est emprunté à cette façon que j'ai de ne jamais dire de mot gentil pour rassurer les gens, pour leur faire plaisir. Le sel est emprunté à mon avarice de gentillesse, à mon avarice d'intelligence... Avarice? Encore faudrait-il qu'il y ait gentillesse et intelligence pour pouvoir en être avare. Le sel est de mon avarice.
    Le sel est engendré par mon orgueil, au final. Engendré par cette idiote fierté, par cette voie que j'ai d'être imbu de ma personne, à cet honneur ridicule qui n'a de toute façon plus aucune valeur au jour d'aujourd'hui, et n'en a d'ailleurs sans doute jamais eue que dans les esprits des orgueilleux. Engendré par ces envies de panache, ces envies de théatral, de grandiose, de gigantesque, de noblesse de coeur et de noblesse d'esprit, qui sont des rêves aux antipodes de mes actes. Le sel est de mon orgueil.
    Comprendre, inspirer, expirer.
    Le sel est de ma colère, le sel est de mon envie.
    Comprendre, inspirer, expirer.
    Le sel est de ma luxure, le sel est de ma paresse.
    Comprendre, inspirer, expirer.
    Le sel est de ma gourmandise. Le sel est de mon avarice.
    Comprendre, inspirer, expirer.
    Le sel est de partout de dedans mon orgueil.
    Orgueil. Du sel pour les pêchés.

    Comprendre, inspirer, expirer.
    Du pain pour le corps que je torture à tort.
    Comprendre, inspirer, expirer.
    Du vin pour le sang qui me transcende.
    Comprendre, inspirer, expirer.
    Du sel pour les pêchés qui m'assèchent et me vident de mon eau.

    Un festin de pain, de vin et de sel.

    J'étais noyé, assistant au fond de la Cène.

Tableau : La dernière Cène - Salvador Dali

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Commentaires
B
C'est très beau ce que tu viens d'écrire, Baptiste.<br /> Tu dois être bien mal pour écrire avec autant de profondeur.<br /> <br /> Je ne sais quoi te dire qui puisse te consoler ou te (re)donner de l'élan.<br /> <br /> Tu auras ce que tu désires, donne toi le temps, donne le temps au temps, sois patient...<br /> <br /> Je pense bien à toi, sincèrement.
La Flamelosphère
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